COMISSION MEDICALE ET PREVENTION

            CIAS

             le Président: Dr Ph. CALIOT

                                                                        

Note sur les accidents ORL en plongée printanière

            Pendant les semaines à venir,  chaque lundi verra sa moisson d'appels en urgence au cabinet emmanant de plongeurs ayant eu un problème ORL pendant le week-end. Le scénario se reproduit inmanquablement chez tous mes confrères  ORL , pendant tout le début de la belle saison.

Le tableau est toujours le même: beau week-end ensoleillé, premières plongées de la saison en milieu naturel, et une eau qui reste bien froide: 12° à 13° en surface ces jours-çi (moins au fond bien-sûr). La sphère ORL est directement en contact avec le milieu extérieur. Le contact de l'eau est direct sur la partie de la face non recouverte par le masque, contact direct aussi avec les muqueuses buccale et nasale, et avec le tympan. Celui-çi constitue une barrière thermique insignifiante protégeant mal la caisse du tympan et son contenu, et l'oreille interne qui est juste en dedans. Ce refroidissement brutal entraine une congestion des muqueuses et donc leur gonflement (ou oedème), un dérèglement provisoire des systèmes de défense habituels qui n'ont pas le temps de se mettre en place ou qui viennent par leur intervention perturber la physiologie normale et provoquer l'accident. Nous connaissons, tous pour les avoir éprouvés, ces systèmes de protection. L'exemple le plus évident est ce que nous ressentons l'hiver, au niveau nasal quand on passe brusquement d'une pièce surchauffée, à l'extérieur ou il gêle. C'est d'abord la sensation de brulure nasale au contact de l'air froid, ce qui, par réflexe neuro-végétatif, entraine rapidement un gonflement congestif de la muqueuse avec impression du nez qui "se bouche", et hypersécrétion protectrice de la muquese ; le nez se met à couler comme de l'eau avec parfois "la goutte au nez" qui pend sous le lobule , et on renifle, et le nez coule... Ces modifications ont pour but de réduire le calibre des fosses nasales , d'augmenter les résistances nasales et de permettre ainsi un réchauffement relatif et une humidification de l'air inspiré lors de son passage au contact des muqueuses. C'est un mécanisme de régulation automatique et réflexe. En plongée , le mécanisme est à peu prés le même , mais le gonflement des muqueuses va aboutir à une dysperméabilité:

            - des ostia sinusiens , et c'est le barotraumatisme sinusien,

            - de la trompe d'Eustache , et c'est le barotraumatisme d'oreille.

A cela peut se rajouter un refroidissement direct de l'oreille interne à travers la caisse du tympan et générer une sensation de malaise nauséeux et de déséquilibre , voire un vrai vertige. Le refroidissement trans-tympanique de l'oreille est bien connu des ORL , et fait partie de la batterie des tests d'exploration des vertiges en clinique.

A partir de là , c'est le barotraumatisme , variable dans son intensité et dans sa gravité. Vous connaissez tous par coeur le chapitre sur les barotraumatismes en plongée, il n'est donc pas utile de le développer içi. Je tenais simplement à vous rappeler ces circonstances particulières du début de saison. De plus c'est la période ou l'on traine volontier une vieille sinusite hivernale pas tout à fait encore guérie, et c'est ausi une période difficile pour les allergiques. Tout ceçi  constitue des circonstances aggravantes. Le printemps est la grande saison de l'accident ORL, saison qui est, du reste, la même que celle des asperges. Ainsi est né un aphorisme: "plongeur quand tu vois l'asperge au marché , fais gaffe à ton nez".

Quel remède apporter ?

Hélas il n'y a pas de solution unique et parfaitement efficace, mais simplement des consignes de bon-sens déja connues de tous.

            Les moyens préventifs:

- ne pas plonger quand on est enrhumé, on ne le répète jamais assez, ne pas descendre si les oreilles ou les sinus ne "passent" pas.

- bien faire vérifier sa sphère ORL au moment de la visite médicale et ne pas hésiter à discuter de ses éventuels problèmes ORL avec le médecin ( quelle que soit sa spécialité), et traitement de fond adapté chaque fois que nécessaire.

- l'habituation au froid. On ne peut pas recommander au plongeur de tremper régulièrement son visage dans une cuvette d'eau avec des glaçons ...(ne riez pas, cela a été écrit). Mais les aspersions d'eau froide sur le visage lors de la toilette matinale, et surtout avant la mise à l'eau, sont tout à fait envisageables. De même l'auto-rééducation tubaire donne parfois des résultats excellents chez ceux qui ont des difficultés chroniques de passage tubaire. Les kinésithérapeutes sont formés à ces techniques.

- et surtout connaitre ce problème et le faire connaitre aux plongeurs.

- enfin je rappelle au passage que les vasoconstricteurs à usage nasal sont à proscrire avant la mise à l'eau, même si certains d'entre eux ont acquis récemment une réputation usurpée de non dangerosité et ont pu être conseillés par certains moniteurs. Le vasoconstricteur peut effectivement donner une impression de  bon confort à la descente, mais son effet s'épuise au fond et le barotraumatisme survient plus tard ou à la remontée. Pas d'usage de vasoconstricteur nasal avant une plongée bouteilles.

            Les moyens curatifs:

Ils sont eux aussi bien connus et codifiés; pas d'automédication sauvage. Le barotraumatisme ORL doit être l'objet d'une consultation. Le médecin (ORL ou non) fera un examen, regardera le tympan, les fosses nasales... Cela évite les erreurs de diagnostic et permet d'apprécier la gravité de l'incident. Une chute de l'audition nécessite impérativement une consultation chez un ORL en urgence ( c'est à dire le plus tôt possible et au plus tard dans les 24h). On voit encore des plongeurs  se remettre à l'eau avec un tympan perforé ... Le traitement sera prescrit en fonction de la gravité , de même pour la durée de l'interdiction de plonger. Il faut se méfier des gouttes auriculaires dont certaines peuvent être dangereuses pour une oreille perforée. Elles sont du ressort de la prescription médicale. Sur le bateau en urgence, en attendant l'avis médical on peut parfaitement utiliser des solutions nasales , des vasoconstricteurs ( aprés la plongée, il n'y a plus de risque) , les antalgiques, voire des anti-inflammatoires à effet antagique et décongestionant (en respectant les contre-indications et les intolérances).

Mais que tout cela ne gache pas les joies des premières plongées de la saison.